
Pluies intenses et sols détrempés
À l'automne 2023, une crue sans précédent a frappé le bassin franco-belge de l’Yser, inondant le bassin et les zones environnantes. Un scénario qui a surpris les météorologues et les hydrologues en raison d'une rare confluence naturelle.
Tout a commencé par une série de pluies intenses qui ont dépassé toutes les attentes. Alors que le mois de novembre apporte habituellement environ 90 millimètres de pluie, en 2023, plus de 300 millimètres d'eau se sont déversés du ciel. Il s'agit d'une quantité statistiquement rare. Mais avec le réchauffement climatique, les risques augmentent.

Le bassin de l’Yser, avec son paysage plat et son régime hydrique complexe, s'est avéré particulièrement vulnérable. Des digues et des canaux avaient été construits pour dompter l'eau. Aujourd'hui, ils sont devenus des obstacles plutôt que des solutions. Le canal de Lo et l'Yser ont agi comme une sorte de goulot d'étranglement, empêchant l'eau de se déplacer dans n'importe quelle direction.

INFO
L’Yser
L'Yser est une rivière de Flandre occidentale (Belgique) et de Flandre française (France).
- La longueur totale de l'Yser est de 78 kilomètres, dont 45 kilomètres en Belgique.
- Son bassin couvre 1101 km², dont deux tiers en Belgique.
- L'Yser s'élève à 35 mètres au-dessus du niveau de la mer.
- Le débit moyen de la rivière est de 3 m³/s.
- L'Yser prend sa source à l'ouest de Cassel, dans le nord de la France, entre Buysscheure et Lederzele.
- L'Yser se jette dans la mer du Nord à Nieuport (Belgique), via le complexe d'écluses de Ganzepoot. C'est la seule rivière qui se jette dans la mer sur le territoire belge.
- L'Yser est alimenté par plusieurs affluents, dont le Penebeek, le Vuilebeek, le Herzele, le Zwijnebeek, le Heidebeek, le Poperingevaart, le Kemmelbeek, le Lovaart, l'Ieperlee et le Handzamevaart.
Les agriculteurs ont vu leurs terres disparaître sous les eaux, les maisons ont été inondées et des communautés entières ont dû être évacuées.
Un an après les inondations catastrophiques du Pas-de-Calais, le bilan financier est lourd pour les particuliers, les entreprises et les agriculteurs. Après les mesures d'urgence, le travail de prévention se poursuivra pendant des années, car le risque de voir se reproduire des inondations de même ampleur est réel.
Le climat, architecte invisible
Bien qu'il n'en soit pas directement responsable, le changement climatique a joué un rôle sous-jacent. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents, et le mois de novembre 2024 en a été un exemple frappant.
Le changement climatique a des répercussions en aval, qui entraînent à leur tour une augmentation des inondations :
- Des précipitations plus intenses : En raison du changement climatique, les averses deviennent plus intenses et plus fréquentes.
- Augmentation du niveau des nappes phréatiques : Les pluies persistantes provoquent la saturation du sol, ce qui accélère l'écoulement de l'eau.
- Fonte des neiges plus rapide : dans les régions montagneuses, les températures plus chaudes entraînent une fonte des neiges plus rapide, ce qui augmente le ruissellement de l'eau.
- Élévation du niveau de la mer : le niveau de la mer s'élève en raison de la fonte des calottes glaciaires, ce qui entraîne des inondations plus fréquentes dans les zones côtières.
- Modification des schémas d'écoulement : Les rivières subissent des fluctuations plus importantes de leur niveau d'eau, de la sécheresse à l'abondance des précipitations.
- Un réseau hydrographique plus complexe : la combinaison de ces facteurs rend le réseau hydrographique plus imprévisible et plus vulnérable aux inondations.
En Flandre, le régime des précipitations est en train de changer. Depuis le début des mesures en 1833, on observe une augmentation lente mais significative des précipitations moyennes annuelles, due à des hivers plus humides et à un plus grand nombre de jours pluvieux.
Prévenir les inondations
La gestion des inondations nécessite un effort intégré et coordonné, impliquant à la fois des mesures de prévention et de protection.
Mesures possibles :
- En collectant l'eau dans des bassins de rétention et des zones d'inondation contrôlée (appelées ‘GOG’ en Flandre), il est possible de ralentir le ruissellement vers les cours d'eau.
- La restauration naturelle des cours d'eau contribue à améliorer l'infiltration et la rétention de l'eau.
- Des pratiques agricoles qui favorisent l'infiltration de l'eau et réduisent l'érosion des sols.
- L'entretien régulier des cours d'eau, y compris le désensablement et le dragage, est essentiel pour garantir la capacité de drainage.
- Il est essentiel d'aménager soigneusement le territoire en tenant compte des risques d'inondation afin d'éviter d'exposer les zones vulnérables aux inondations. Il est important que les propriétés mal situées soient acquises et démolies.
- Gestion dynamique du niveau de l'eau.
- Les digues existantes doivent être contrôlées et réparées régulièrement.
- La construction de barrières anti-tempête protège l'arrière-pays de l'élévation du niveau de la mer et des ondes de tempête.
- L'installation de vannes et de déversoirs sur les cours d'eau permet de mieux gérer et diriger l'eau.
- La mise en place de systèmes d'alerte transfrontaliers permet d'alerter les habitants à temps.
- Un meilleur échange de données entre les différentes régions et les différents pays est nécessaire pour obtenir une bonne image des ressources en eau à travers les frontières.
Il est essentiel de comprendre qu'il n'existe pas de solution unique en matière de prévention des inondations. Une combinaison de ces mesures, adaptées aux conditions locales spécifiques, est nécessaire pour minimiser les risques et accroître la résilience des communautés. La Task Force Yser récemment créée est un exemple d'initiative orientée vers l'action.
Approche transfrontalière
La coopération au niveau international, par exemple dans le cadre de la Commission internationale de l'Escaut, est essentielle pour coordonner la gestion de l'eau au-delà des frontières. Des accords sur la gestion de l'eau et le drainage sont nécessaires entre différentes régions et différents pays, comme dans le cadre de la consultation interrégionale sur les voies navigables. Des projets européens, tels que Mageteaux et LYSE, encouragent la coopération transfrontalière en matière de gestion de l'eau et de réduction des risques d'inondation.
Après les inondations de 2023 dans le Westhoek, la coopération transfrontalière a pris son essor, mais non sans difficultés. Bien que des initiatives aient été prises et que des structures de coopération existent, la mise en œuvre est parfois difficile.
Le 17 novembre 2023, le gouvernement flamand a mis en place une task force dans le but d'améliorer la sécurité de l'eau du Westhoek. Cette task force, composée de gestionnaires de l'eau et d'experts, a dressé une liste de 70 mesures à court terme à mettre en œuvre d'ici 2026. Un groupe de travail transfrontalier sur l'eau a également été lancé entre la France et la Flandre, qui s'est réuni pour la première fois fin 2024.
Il y a exactement un an, de grandes parties du bassin de l’Yser et du Pas-de-Calais étaient sous l'eau. La France et la Flandre ont commencé à travailler ensemble pour résoudre ce problème. Mais jusqu'à présent, il ne s'agissait que de belles paroles.
La coopération entre la France et la Flandre en matière de gestion de l'eau est entravée par plusieurs problèmes. Par exemple, la mise en œuvre de certains projets est retardée par des procédures compliquées et un manque de prise de décision rapide. L'échange de données sur l'eau n'est pas toujours aisé, ce qui rend difficile l'obtention d'une image complète de la gestion de l'eau dans la région. En outre, les approches en matière de gestion et de financement de l'eau diffèrent entre les deux pays, impactant la coordination. Pour assurer une protection efficace de l'ensemble de la zone, une coopération étroite entre toutes les parties prenantes et tous les niveaux de gouvernement est essentielle.
5 solutions
- Amélioration de l'échange de données et des modèles hydrologiques communs : L'un des principaux goulots d'étranglement est l'absence d'échange de données transparent entre les différentes régions et les différents pays. Il est essentiel de développer et d'utiliser des modèles hydrologiques communs pour simuler avec précision le comportement des rivières et cartographier les risques d'inondation à travers les frontières. Cela peut se faire en développant un système d'alerte transfrontalier pour les résidents. Le partage de données en temps réel sur les niveaux d'eau, les précipitations et les débits est essentiel pour une réponse rapide et coordonnée en cas d'urgence. Ces modèles doivent tenir compte de la complexité de la gestion de l'eau et des nombreuses interventions en cours. (Note : un observatoire transfrontalier est en cours de création)
- Renforcer les structures de consultation et les accords transfrontaliers : Il est nécessaire de renforcer les structures de consultation existantes au niveau du bassin, telles que les consultations sur les eaux transfrontalières (GOW). Il faut un cadre clair pour une consultation opérationnelle et une prise de décision rapide en cas d'intérêts conflictuels, comme le déversement d'eau par différents canaux. Les accords bilatéraux, tels que celui conclu entre la voie navigable flamande et le gestionnaire de la voie navigable wallonne SPW pour abaisser le niveau d'eau de la Lys en cas de fortes pluies, sont un bon début, mais ils doivent être élargis et affinés. Il est également important d'optimiser la coopération au sein des forums multilatéraux, tels que la Commission internationale de l'Escaut (CIE). Il convient de dresser un inventaire précis des acteurs du secteur de l'eau et des organes consultatifs existants, en établissant une distinction entre les consultations structurelles et opérationnelles. Les forums consultatifs formels et informels devraient être rationalisés.
- Investissements coordonnés dans les infrastructures : la coopération transfrontalière est essentielle pour planifier et mettre en œuvre des projets d'infrastructure, tels que le projet Mageteaux. Cela comprend la construction et la gestion conjointes de bassins de rétention, de plaines inondables et d'installations de pompage, ainsi que l'amélioration de la capacité de drainage des voies d'eau. Le projet LYSE est un bon exemple de gestion intégrée des risques d'inondation par le biais de diverses actions transfrontalières. Les investissements devraient se concentrer à la fois sur les mesures préventives (telles que la rétention naturelle de l'eau) et sur les mesures de protection (telles que les digues et la capacité de pompage). La coordination et la coopération des différents gestionnaires de l'eau dans le bassin du fer sont nécessaires à cet égard.
- Harmonisation des politiques et des réglementations : il est nécessaire d'adopter une approche plus harmonisée de la gestion de l'eau au niveau transfrontalier. Cela signifie qu'il faut aligner les politiques et les réglementations, telles que la directive-cadre sur l'eau et la directive sur les inondations. Il est important de comprendre et, si possible, d'harmoniser les différentes lois et directives sur l'eau en France, en Wallonie et en Flandre. Les autorités compétentes devraient collaborer pour supprimer les obstacles juridiques et administratifs à une coopération transfrontalière efficace. Par exemple, la Taskforce Yser préconise un programme pluriannuel pour s'assurer que le Westhoek reste suffisamment résilient.
- Campagnes de sensibilisation communes et implication des citoyens : il est important d'impliquer la population de part et d'autre de la frontière dans la gestion des risques d'inondation. Des campagnes de sensibilisation communes devraient être lancées pour informer les citoyens des risques, des mesures préventives et de l'importance de la solidarité. Il est également important d'accroître l'autonomie des citoyens. Le projet LINBATYS est un exemple d'actions coordonnées et transfrontalières de lutte contre les inondations dans le bassin de la Lys, qui met également l'accent sur la sensibilisation du public. Il est nécessaire d'impliquer les habitants dans l'aménagement du territoire.
Sources
- Bekkensecretariaat — Coördinatiecommissie Integraal Waterbeleid - Vlaanderenintegraalwaterbeleid.be.
- Grensoverschrijdende samenwerking — Stroomgebiedbeheerplannen 2022-2027 - sgbp.integraalwaterbeleid.be.
- Interreg - interreg.eu.
- IJzer (rivier) - Wikipedia - nl.wikipedia.org - Dernière modification en 2023.
- Internationale Scheldecommissie - ISC CIE - isc-cie.org.
- LYSE - Geïntegreerd beheer van de oppervlaktewateren in de Leie- en IJzerbekkens | Provincie West-Vlaanderen - www.west-vlaanderen.be.
- Linbatys - www.linbatys.eu.
- SAGE-Yser-2023 - Rapport annuel 2023.
- De Vlaamse Waterweg nv - www.vlaamsewaterweg.be.
- Linbatys & Lyse - Brochure.
- Dossiers Eurométropole